Cat Power -- The Greatest
Chan Marshall a un
pouvoir : celui d'arrêter le temps. Prenez ses concerts : elle arrive sur scène
en catimini, s'assoit, accroche une guitare à ses épaules et quand elle se met à
chanter tout reste en suspens : le public cesse de respirer (ou alors, le moins
bruyamment possible), les trotteuses des montres essaient de s'évanouir dans le
rythme. La demoiselle dégage une telle impression de fragilité qu'on a un peu
peur de troubler l'atmosphère qui s'est installée avec son apparition.
The Greatest est son 7ème album : sans faire de symbolisme
primaire (trop tard), le 7 est le chiffre de la perfection. Ce qu'on en retient
de cat power, c'est sa voix, chaude et profonde, d'une beauté hypnotisante. Elle
a le timbre de la mélancolie sans jamais être dégoulinante et surfaite : en fait
elle est apaisante, et enveloppe celui qui l'écoute d'un cocon. Un cocon
protecteur qui isole complètement de tout ce qui l'entoure. Quand The Greatest
passe, on est à l'intérieur du disque et pas ailleurs. Pas le genre de musique
que l'on se passe en faisant tout autre chose. C'est même déconseillé : au bout
de 20 secondes, on lève les yeux de ce qu'on était en train de faire pour les
plonger dans le vague. On en émerge comme d'un rêve avec une rémanence de tout
ce qui nous a traversé sans savoir très bien au juste ce dont il s'agissait. Peu
importe en fait.
La partie musicale, renvoie une impression de sobriété tout
en se montrant parfois plus riche que d'apparence. Mais la formule voix de Chan
Marshall, piano, guitare, basse aboutit à une alchimie d'une grande cohérence.
Une homogénéité que l'on retrouve tout au long l'album, du reste : les chansons
s'enchaînent, affirment chacune un caractère différent (rythme, instruments)
tout en participant d'un même esprit. Quant à définir l'esprit de The Greatest
c'est bien la dernière chose que j'aurai la prétention de faire. Il faut rester
humble face à Cat Power.