Mansfield TYA -- June

    Il y a eu un moment après la dissolution de Noir Désir où j'ai décidé d'arrêter au moins pour un temps d'écouter la production musicale française. Il s'agissait de ne pas ajouter le masochisme à la tristesse. Mais plus généralement on a sans doute tous ressenti un grand vide musical tricolore que certains ont essayé de combler à la hâte avec ce qu'il y avait sous la main : du Bénabar, du Vincent Delerm, du Cali, enfin tout ce qu'on a intelligemment nommé "La nouvelle chanson française". Bref, inutile de se le cacher, on s'est violemment fait chier. Mais après tout il faut se faire une raison, on ne peut pas toute une existence se raccrocher à des légendes : Brassens et Ferré sont morts. On se dit alors que tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir ; et pour espérer, on a eu Fersen, Mickey 3D (errare humanum est), on a maintenant le duo féminin de Mansfield Tya.

    Déjà, premier point positif, June est une sorte de manifeste anti soupe FM boursouflée d'arrangements redondants. Chaque note est ici pesée, pensée et jouée au service exclusif de l'atmosphère intimiste et épurée de l'album. Une guitare, un violon et une voix. Point final. Parfois ces instruments sont remplacés par un piano, une basse ou un alto mais on a bien compris le parti pris artistique : la sobriété, rien qui puisse venir altérer la clarté fascinante de la voix de Julia, la chanteuse du groupe. Elle donne aux chansons une coloration très adolescente et l'effet se renforce à mesure que l'on découvre les textes : ils sont beaux et mélancoliques sans être dégoulinants, ils recèlent autant de petits trésors d'écriture que de maladresses délicieuses. Tout cela a un petit côté poèmes adolescents écrits en cachette, pleins d'innocence acidulée et de rimes ingénues. Et c'est là que Mansfeld TYA surprend : June est pétri d'ambivalence et s'amuse à brouiller les pistes en jonglant avec sa façade charmante, inoffensive et son aspect violent, sombre. L'album va parfois puiser son inspiration du côté du film noir avec des chansons comme "Pour oublier, je dors", sorte d'hymne à la mélancolie et au remord du meurtrier. Le contraste entre la voix si claire de la chanteuse, l'alto de Carla et la noirceur du texte est très troublant.

    Voilà, June est une sorte d'ovni dans la production musicale française : il souffle un vent de renouveau vivifiant en s'éloignant du classicisme frileux qui ronge la scène nationale. Son dépouillement, sa sobriété vont droit à l'essentiel, le sensible ; la voix de Julia et le violon de Clara se mêlent en une sorte d'alchimie mystérieuse qu'il n'est pas possible d'ignorer.

 

 

 

 

 

 

 

 

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